Le photographe espagnol Fernando Moleres a remporté, le 10 décembre dernier, la Tim Hetherington Grant, pour son travail sur les mineurs incarcérés, intitulé Waiting for an opportunity. Créée
en 2011 par World Press Photo et Human Rights Watch en l'honneur du
photojournaliste et réalisateur Tim Hetherington (tué en Libye en 2011),
la bourse vise à soutenir un projet photographique sur le thème des
droits humains. Interview.
Photographie.com :
Vous avez commencé ce travail en 2007, lorsque vous avez réalisé un
premier photoreportage dans une prison de Sierra Leone. Qu'est ce qui
vous a donné envie d'aborder ce sujet ?
L'idée m'est venue après
avoir vu, dans le cadre du festival Visa pour l'image
2007, l'impressionnant reportage réalisé par Lizzie Sadin sur les
mineurs incarcérés. J'ai été particulièrement touché par les conditions
de vie épouvantables de ces jeunes mis derrière les barreaux partout en
Afrique. Lorsque j'ai commencé à faire des recherches sur ce sujet
tragique, j'ai découvert de nombreux reportages écrits racontant leur
histoire, mais très peu d'images. D'où ma décision de réaliser un
travail photographique qui puisse sensibiliser le public aux problèmes
des jeunes prisonniers et briser le mur de silence qui les entoure.
Photographie.com :
Vous avez réalisé des centaines de photos sur ce sujet, mais vous avez
aussi fondé une ONG dédiée à la protection de leurs droits…
Mon travail sur les mineurs incarcérés a été publié dans la presse européenne (The Independent, Le Monde Magazine, The Sunday Times, Liberation, NZZ, El País Semanal,
etc), mais ces articles n'ont eu qu'un rôle d'information. Je me suis
rendu compte que, si je souhaitais vraiment aider ces jeunes, je devais
aller encore plus loin. J'ai ainsi créé FREE MINOR AFRICA (FMA), un
projet qui offre de l'aide juridique aux jeunes arrêtés pour des délits
mineurs en Sierra Leone. Notre association vise également à faciliter
leur réinsertion dans la société : nous offrons de l'hébergement à tous
ceux qui viennent de sortir de prison, et qui n'ont personne pour les
accueillir.
Si la vie de ces personnes
est aujourd'hui meilleure, c'est grâce non seulement à mon travail
photographique, mais aussi à mon engagement personnel. Mes objectifs :
améliorer leur vie à l'intérieur de la prison, mais aussi à l'extérieur,
grâce à notre programme de réinsertion.
Photographie.com :
Vous disiez, l'année dernière dans une interview, que la grande majorité
des institutions internationales et ONGs ont choisi d'ignorer ce
problème. Cette situation a-t-elle évolué ?
Dès le début, je me suis
rendu compte que personne ne s'intéressait au sort de ces jeunes, et
rien n'a changé depuis. Je sais qu'il y a beaucoup de problèmes dans le
monde - la vie de ces jeunes n'est qu'une tragédie parmi tant d'autres.
Photographie.com : Le
jury de la Tim Hetherington Grant a déclaré, à propos de votre travail,
qu'il "se situait à la frontière entre l'actualité et le
photojournalisme d'investigation"…
Je pense que ce type de
travail, qui transcende le photojournalisme, reflète la situation dans
laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, du mouvement Occupy Wall Street
aux Etats-Unis au mouvement 15M en Espagne. Cela veut dire que nous
devons jouer un rôle plus important au sein de notre société, et agir
d'une façon beaucoup plus responsable.
Propos recueillis par Roxana Traista
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