Après "Made in Belgium", Harry Gruyaert, membre de l'Agence Magnum depuis 1981, publie son deuxième ouvrage sur la Belgique aux éditions Xavier Barral.
Imprégné du caractère pictural qui définit l'ensemble de l'oeuvre du
photographe belge, "Roots" ("Racines") est l'histoire d'un lieu plein de
contradictions, figé entre banalité et exceptionnalisme, uniformisation
et tradition.
Waterloo © Harry Gruyaert / Magnum Photos |
Il m’est ainsi devenu
possible d’envisager de travailler sur la Belgique, car je n’y vivais
plus. Il est difficile de travailler sur l‘endroit où l’on habite. On
était en 1973 et je n’y travaillais qu’en noir et blanc. Tout me
paraissait gris. Je suivais parfois le calendrier des innombrables fêtes
locales, carnavals, processions et autres, très particuliers en
Belgique et sujets à de spectaculaires débordements alcoolisés.
J’ai mis environ deux ans à y
voir la couleur qui m’intéressait. Ce fut une révélation. Par ailleurs,
j’ai commencé à voyager en photographiant au Maroc, en Inde, toujours
en couleur. Mais il y avait la Belgique, avec ce rapport de refus et
d’attirance en même temps.
À New York, en 1976, j’ai vu
l’exposition «William Eggleston’s Guide» au MoMA, avec de superbes
tirages «dye transfert», qui donnaient une grande sensualité à la
couleur. La découverte de la photographie couleur américaine a été
essentielle : j’ai ressenti une profonde affinité avec cette mouvance,
qui m’a encouragé à continuer à photographier la Belgique en couleur.
Mes influences proviennent
surtout du cinéma et de la peinture. Pour moi la photographie n’existe
que lorsqu’elle a pris corps dans un tirage, qui doit être l’expression
juste de ce que je recherche. Je passe, comme beaucoup, plus de temps à
sélectionner mes images et à travailler mes tirages qu’à photographier.
En 2000, j’ai publié aux
Éditions Delpire mon premier livre sur la Belgique : Made in Belgium,
avec des poèmes originaux d’Hugo Claus. La Belgique est probablement le
pays européen qui s’est le plus vite américanisé après la Deuxième
Guerre mondiale, d’où la puissance de cette banalité, confrontée au
surréalisme et à la force des traditions conservées malgré tout, alors
que j’y travaillais avant le tournant du siècle. Aujourd’hui, c’est
beaucoup moins flagrant, l’uniformisation gagne, avec une autre culture
de la banalité, moins ancrée dans les traditions. Beau, laid,
banalité du beau, beauté de la laideur. Ces contradictions sont aussi
les miennes.
Harry Gruyaert
Quartier de la gare du Midi, Bruxelles © Harry Gruyaert / Magnum Photos |
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